Poils, chevelures et religions
Accroupi.e dans votre salle de bain dans une position burlesque afin de vous retirer les poils, vous vous êtes sûrement déjà demandé : « Mais quel est le génie qui a décrété qu’on devait s’épiler ? ».
Ne faites pas genre, on s’est tou.te.s posé.e.s un jour la question. Désolé de vous décevoir, mais l’origine de l’épilation est bien plus complexe que cela.Au travers des siècles, des différentes civilisations, des modes et des appartenances religieuses ou socio-culturelles, l’absence ou la présence de poils, chez l’homme comme la femme a été – et reste encore – un marqueur d’appartenance, une projection de l’image de soi sur la société.
Les premières traces d’épilation remontent à la Préhistoire. Les hommes préhistoriques s’arrachaient les poils à l’aide de 2 coquillages (ancêtre de la pince à épiler ?).
Par la suite, dès l’Antiquité, en Égypte et en Grèce, hommes et femmes s’épilent. C’est après la chute de l’empire Romain et l’arrivée du Christianisme que les tendances s’inversent.
Chrétiens
Dans la religion Chrétienne, l’Homme a été créé par Dieu, et par conséquent, tout ce que Dieu nous a donné est un cadeau, y compris les poils (et un cadeau, ça ne se refuse pas !). Durant les 5 siècles qui suivirent la chute de l’empire romain, les hommes comme les femmes gardaient leur pilosité.
Dès le 6ème siècle, raser sa chevelure était une des conditions pour être admis.e dans le clergé. La tonsure des moines par exemple, était signe de renoncement au monde et à la vie sexuelle.
Avec les croisades et surtout à partir du 13ème siècle, les chevaliers vont découvrir l’art de l’épilation orientale et ramènent à leurs promises des recettes à base de résine de pin, de cire d’abeilles chaude et de sucre. L’épilation revient petit à petit dans les mœurs des Chrétiens d’Europe.
Mais c’est véritablement à la Renaissance que l’épilation prolifère chez les Chrétiens. Ceux-ci s’épilaient uniquement les parties visibles que les vêtements ne cachaient pas. Les avis sur l’épilation étaient cependant très partagés car certains religieux estimaient que les poils servaient à cacher les parties honteuses (vous aurez compris lesquelles). À la même époque, le clerc catholique est chaste et dépourvu de barbe, en opposition à l’homme barbu et marié.
Bien plus tard, au 18ème siècle, le clergé catholique se doit de se raser la barbe et la moustache. Néanmoins, cette législation était débattue au sein même de l’Église catholique. Une chose est sûre, la barbe était un facteur de tensions religieuses au sein de la religion chrétienne.
Le sujet de l’épilation s’est peu à peu écarté des débats chrétiens pour complètement disparaître aujourd’hui.
Musulmans
L’Islam est la religion qui présente le plus de règles en termes d’épilation.
L’épilation des sourcils et des poils du visage est interdite pour les musulmanes, sauf si celles-ci ont une pilosité faciale considérée comme « excessive » (moustache ou barbe).
En ce qui concerne la pilosité du corps, dans un hadith, il est écrit : « Celui qui ne s’épile pas le pubis et les aisselles au-delà de quarante jours, celui-là n’est pas musulman. » Il faut dire que le corps se doit d’être « propre » avant de faire les ablutions, comme le montre la nécessité de se laver les mains à 3 reprises au début des prières. Les notions de propreté, d’hygiène personnelle et de pureté sont inhérentes à l’Islam. Les musulmans se doivent de soigner leur apparence, leur corps, leurs vêtements ainsi que leur environnement.
Certes, les poils ne sont pas « sales », mais le corps est mis en scène pendant les cinq prières rituelles et l’épilation des aisselles et du pubis sont des mesures d’hygiènes enseignées par le Prophète.
D’ailleurs, plusieurs pratiques sont énumérées comme étant « conformes à la nature primordiale de l’homme », soit : la circoncision, le fait de se raser le pubis, se couper les ongles, s’épiler les aisselles et se tailler la moustache. L’homme musulman doit aussi laisser pousser sa barbe.
Enfin, venons-en aux poils des parties intimes. Dans la religion musulmane, les poils pubiens ainsi que ceux situés autour du pénis ou de la vulve, sous le ventre et entre les cuisses se doivent d’être rasés ou épilés. Il est aussi recommandé d’enlever les poils de sillon-inter fessier qui « peuvent retenir des résidus d’excréments ».
En ce qui concerne les techniques dépilatoires recommandées, on retrouve l’usage d’une crème, le rasage, ainsi que le déracinement des poils (à l’aide de cire ou d’une pince à épiler).
Juifs
Dans le Judaïsme, l’épilation n’est pas autant au cœur des débats.
De tout temps, les hébreux ont laissé pousser leur barbe. Ils la soignaient et la taillaient. La loi de Dieu demandait aux hommes israélites de tailler l’extrémité de leur barbe mais aussi de « couper en rond les mèches sur les côtés de leur tête ».
Chez l’homme juif, négliger ses cheveux ainsi que sa barbe était signe de deuil.
Concernant la femme juive, une longue chevelure était signe de beauté. Au contraire, se raser la tête était un signe de deuil ou de peine.
Bouddhistes
Pour les bouddhistes, se raser le crâne est signe de renoncement au monde, tout comme les chrétiens. Certains moines bouddhistes se rasent même les sourcils.Cependant, certains bouddhistes adeptes du tantrisme optent, au contraire, pour une longue chevelure.
Au-delà de simples modes, nos habitudes dépilatoires sont parfois influencées (même sans que l’on en ait conscience), par notre culture, notre environnement familial et bien entendu par notre religion. Au cours de l’histoire, des différentes civilisations et interprétations religieuses, on observe que le poil et la chevelure apparaissent puis disparaissent. Ils croissent et décroissent au rythme de l’évolution des idées et des croyances humaines. Bien qu’elle soit parfois régie par de grands livres religieux, l’histoire du poil est – et restera sûrement - en perpétuelle évolution.
Article écrit par Manon Antoine.
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